GPS, applis, mouchards… L’espionnage dans le couple

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Pour espionner son partenaire, plus besoin de recourir à un détective privé. Des logiciels espions permettent désormais de placer son conjoint sous surveillance et sur écoute. GPS, applis, mouchards – à placer dans un téléphone ou sur un ordinateur -… Le choix est vaste et à portée de clic. Décryptage d’une pratique inquiétante, souvent addictive, et surtout, illégale, avec Marie José de Aguiar, gestalt thérapeute.

Aujourd’hui, avec les nouvelles technologies, il devient très facile d’espionner son conjoint. Est-ce que cela participe d’une banalisation de la surveillance ?

MJA : Nous vivons dans une société qui favorise l’intrusion, notamment par le biais des nouvelles technologies. Les portables sont devenus l’objet de terreur des couples : qui n’est pas tenté de regarder quand ça sonne ? C’est vrai que c’est tentant ! Notre société est aussi très individualiste et parfois borderline. Les gens vivent de plus en plus dans l’idée qu’ils sont tous puissants. Qu’il n’y a pas de limites. Ces logiciels espions sont une illustration de ce sentiment et donnent le frisson : on ne décide plus de ce qu’on a envie de montrer, de donner à l’autre. Le jardin secret n’existe plus.

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Pourquoi certains en viennent-ils à espionner leur conjoint ? Que traduit un tel besoin ?

MJA : Cela va toucher des profils de personnalités très spécifiques. Notamment des personnes jalouses, inquiètes ou à tendance paranoïaque. Ou d’autres pour qui le monde est mauvais et rempli de tentations. Ces logiciels sont de bons partenaires pour nourrir ces scénarios de danger. En fouillant, en espionnant, ces personnes vont avoir l’impression de contrôler leur conjoint, la situation. Et pour peu qu’elles découvrent quelque chose, même infime, elles vont se dire que tout est possible et continuer. Le fait que ces logiciels soient si faciles d’accès ouvre un champ de possibles terrible, même au sein de couples qui se portent bien. Ils renforcent nos fragilités narcissiques, amoureuses, et notre paranoïa – et qui n’est pas un peu parano parfois, inquiet ou en perte de confiance avec lui-même ?

Certains logiciels permettent, en plus de la surveillance, de contrôler le portable ou l’ordinateur cible. On peut par exemple effacer des messages avant même que la personne ne les ait lus…

MJA : Ce genre d’outils est vraiment dangereux. Cela veut dire que l’on peut être la proie de l’autre. Cela va faire le jeu d’une population qui veut tout maîtriser, contrôler, dominer, notamment les pervers narcissiques

Certains installent ces logiciels après une infidélité – soupçonnée ou avérée -, dans le but, disent-ils, de « restaurer la confiance ». Qu’en penser ?

MJA : Le problème, c’est que la parole ne fait plus foi. Or, l’amour est basé sur trois piliers : la confiance, l’intégrité, le respect. En plus, je pense que cela ne réparera rien du tout. Au contraire, cela va amplifier la paranoïa, l’inquiétude. Au moindre soupçon.

Certaines personnes acceptent d’être surveillées « par amour », « pour avoir la paix »… Est-ce que se laisser contrôler est une preuve d’amour ?

MJA : Non. Etre aimé, c’est être accepté comme on est, avec nos ombres et nos lumières. De même qu’aimer, c’est accepter l’autre tel qu’il est. Nier des parts de soi, c’est de la soumission, phénomène qui touche davantage les femmes d’ailleurs. Accepter « pour être tranquille », c’est plus un renoncement qu’une acceptation. Surtout qu’une telle surveillance va fortement entraver la relation.

Nombreux sont ceux à avoir déjà consulté la boîte mail, le portable, le compte Facebook de leur partenaire, ou à s’être emparé de ses codes d’accès… Où se situe la barrière de l’inacceptable ?

MJA : Il y a des degrés. Mais l’intrusion commence dès que l’on s’empare de quelque chose que l’autre ne nous a pas donné. Cela commence lorsque l’on ferme sa porte : l’autre n’a pas à entrer. C’est personnel, c’est tout. C’est à nous de décider ce qu’on montre, ou pas. Après, il y a une différence entre dire « je serais tenté de mettre un mouchard car je suis inquiet » et en placer un, à l’insu de l’autre, pour l’observer. C’est un passage à l’acte. Un abus, un viol de la vie privée. C’est grave. Sauf s’il s’agit d’un jeu dans le couple, c’est inacceptable.

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Certains décident de se lancer dans le « contre espionnage » : quand ils découvrent qu’ils sont espionnés, ils ne disent rien et distillent de fausses informations pour « piéger » l’autre ou espionnent l’espion…

MJA : Je ne pense pas que l’on puisse encore parler de relation d’amour dans un tel contexte. Ce sont des relations pathologiques, dangereuses, basées sur la surenchère.

Selon un sondage réalisé par le portail Internet Yahoo en 2012, un Français sur 5 a déjà espionné son conjoint, en consultant en cachette son téléphone ou son ordinateur. Un chiffre sous-estimé, pour Marie José de Aguiar. « Je dirais 1 sur 2. Ca devient monnaie courante. Tout comme les histoires de vie parallèles ».

Pourquoi notre jardin secret est-il si important ?

MJA : Le secret n’est pas uniquement inquiétant. Il nourrit la relation. C’est bon de savoir que l’autre est autonome, de se sentir libre avec lui. Cela nourrit le désir, aussi. Cela crée une part de mystère. Dans le couple, le secret est une notion à réhabiliter.


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