Avouons le, nous pleurons tous : pour certains d’entre nous, il faut une tragédie pour en arriver aux larmes, pour d’autres, une scène de film romantico-dramatique suffit à faire craquer. Mais une chose est sûre : pleurer, c’est ce qui nous rend humains. Bien que certains animaux versent des larmes, les humains sont les seuls à pleurer pour des raisons émotionnelles.
Lorsque cela arrive…
On a d’abord l’impression que « ça va passer », qu’on va pouvoir « se contrôler »… On essaye de ralentir notre respiration, on avale de longues bouffées d’air.
Notre cœur, lui, n’en fait qu’à sa tête. Il pompe à tout va, se resserre, comme s’il voulait s’auto-absorber. On se rend vite à l’évidence : notre corps lutte contre notre esprit.
Notre trachée se rétrécit, distillant l’oxygène à dose homéopathique.
On perd pied, on s’enfonce… La détresse nous submerge, étreint notre gorge. Les mots commencent à faire des sauts dans notre trachée. Ils en sortent hachés, saccadés, méconnaissables.
Alors que la première larme s’écoule lourdement sur notre joue, dans un sursaut d’incrédulité, on vit une expérience extra-corporelle : on devient l’espace d’un instant spectatrice de la scène et, contemplant le ridicule de la situation, on se surprend à penser « non, ce n’est pas possible, ce n’est pas en train de m’arriver à moi » « je m’étais pourtant jurée d’être forte »…
Rapidement, le sentiment d’impuissance fait place à ses deux cousins la colère et la honte. Une honte si forte qu’elle embrase nos joues.
Notre corps continue son mouvement de repli, comme s’il cherchait à disparaître.
Les grands n’ont pas le droit de pleurer
Pleurer, c’est pour les bébés. Et les petites filles. Les ados, aussi, à la limite. Mais quand on est adulte, non, ce n’est plus permis. D’ailleurs, c’est ce qu’on dit aux enfants « allez, ne pleure pas, tu es grand(e) maintenant ». A croire que pleurer pourrait constituer un motif de destitution de notre statut d’adulte…
Il n’y a pas de plus grande honte pour un adulte que de se mettre à pleurer devant un autre adulte. Bien sûr, plus la personne est étrangère, plus la honte est grande.
Dans la sphère personnelle, l’inacceptable est toléré. Pleurer pour la première fois devant l’être aimé constitue même un des paliers les plus importants dans la relation. La réaction de l’autre à ce moment-là est d’ailleurs un bon indicateur de la manière dont la relation va ensuite évoluer.
Pleurer devant des inconnus vous expose à leur jugement immédiat. Vous êtes mis à nu. Ni adulte, ni enfant, vous perdez votre place dans la société. Vous n’êtes plus qu’une petite chose méprisable et laide. C’est encore pire si vous êtes une femme : dans ce cas-là vous allez nourrir malgré vous tous les stéréotypes machistes possibles et imaginables, de la pleureuse à l’hystérique.
Le comble, c’est de « craquer » devant une personne que l’on n’apprécie pas… du tout. La copine « vipère » d’une copine, celle qui colporte toutes sortes de ragots. On redoute son regard empreint de fausse compassion. On l’imagine très bien se réjouir à l’idée de raconter à qui veut l’entendre : « elle s’ est mise à chialer comme un veau »… On aimerait disparaître.
Mais s’il est un cadre dans lequel il n’est pas et ne sera jamais toléré d’éclater en sanglots, c’est bien le cadre professionnel. A moins que vous ne cherchiez une solution rapide et gratuite pour vous décrédibiliser à jamais : dans ce cas-là, ouvrez les vannes !
En cet instant de détresse, cette pensée n’est pas d’un grand réconfort. On évite soigneusement de croiser le regard des deux personnes qui nous toisent d’un air navré. De toutes les façons, on a les yeux qui larmoient tellement qu’on serait incapable de les distinguer.
On se mouche bruyamment (foutu pour foutu) et accepte le verre d’eau qui nous est offert. Quitte à passer pour une gamine, on aurait tout aussi bien pu demander un lait chocolat , sauf qu’on est dans le bureau de la DRH, donc ça le fait pas.
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