Claire Schwob, un regard sur le déracinement

Nous avons rencontré Claire Schwob, scénariste et réalisatrice qui présente actuellement « Au large d’une vie » le premier film entièrement réalisé et produit à Tahiti.

On sait Claire passionnée par son métier et on connait son implication dans le monde de l’audiovisuel à Tahiti. Ce qui a retenu notre attention dans son scénario, c’est la sensibilité qui s’en dégage mais aussi l’aspect un peu difficile de l’histoire.

Cette histoire nous concerne presque tous, que l’on soit Européen ou Polynésien. Nous avons tous un parent proche ou un ami qui part faire ses études, s’engage dans l’armée ou décide de mener une carrière professionnelle a l’étranger. La séparation n’est pas toujours facile à vivre ni pour celui qui part, ni pour ceux qui restent. Claire aborde ce sujet avec beaucoup de délicatesse, elle nous parle de son film…

Moving Tahiti : Pouvez vous vous présenter en quelques mots ?

Claire Schwob : Claire Schwob, scénariste réalisatrice.

M.T : Quel a été votre parcours professionnel, pour en arriver jusque là ?

C.S : Après des études à l’EBP (european Business programme) en 1995, j’ai collaboré avec Marcel Jullian sur des scénarios notamment pour France 2, France 5, Arte… Dès mon arrivée en 1998 en Polynésie française, j’ai réalisé de nombreuses émissions télévisées et collaboré avec des productions étrangères venues tourner sur le territoire lors desquelles je change volontiers de casquette : directrice casting, chef décoratrice, directrice artistique, réalisatrice…

M.T : Qu’est ce qui vous plaît le plus dans le métier de réalisateur ?

C.S : Il existe à vrai dire deux moments forts dans ce métier :

  • La préparation du film : envisager les décors, découvrir les personnages à travers le casting puis bien sûr découper le scénario, de façon à ce que les mots deviennent images,
  • Le tournage en lui-même. Intégrer cette « bulle », cette famille qu’est l’équipe du film. Les relations humaines lors d’un tournage sont très fortes, particulièrement avec les acteurs.

M.T : Pouvez-vous me dire, quelles sont vos influences cinématographiques ?

C.S : Je n’ai pas d’influences cinématographiques particulières, tous les cinémas m’intéressent. Je me laisse guider par mes émotions, je laisse mon cœur entendre, écouter, parler. La technique s’adapte naturellement à la sincérité des histoires.

M.T : Parlez-nous un peu du film « Au large d’une vie ». Que présente-t-il ?

C.S : Un jeune homme polynésien qui a dû faire un choix très difficile dix ans auparavant : assouvir ses ambitions, sa passion du cinéma, et donc abandonner sa terre natale, ou bien rester au plus près de ses racines et laisser s’éloigner ses rêves les plus fervents.

Il s’agissait d’essayer de mettre en images l’attachement à leur terre des insulaires, c’est une thématique qui m’a beaucoup touchée.

M.T : Pourquoi avez-vous choisi d’aborder les thèmes de l’éloignement , du déracinement ?

C.S : Vivant depuis plus de 17 ans en Polynésie française, j’ai rencontré de nombreux jeunes Polynésiens et Polynésiennes qui ne « pouvaient » pas partir. Ils avaient des objectifs de carrière que le cursus scolaire proposé en Polynésie française ne leur permettait pas d’atteindre mais ils préféraient voir l’avenir différemment plutôt que de devoir quitter leur île.

De passage en France métropolitaine, je m’entretenais avec des Polynésiens expatriés qui avaient, eux, décidé de franchir le pas, aller au bout de leurs ambitions et quitter leur île. Leurs phrases souvent étaient les mêmes : « mon île me manque, il y a un comme un vide en moi… ». Même ceux qui semblaient les plus détachés, partis depuis longtemps, avaient quasiment tous comme objectif de vie d’y retourner plus tard.

En réponse à mes questionnements, plusieurs sentiments s’affrontaient : la nostalgie, la fierté d’avoir réussit ailleurs, le bonheur de parler de leur île… Mais il y avait en chacun d’eux comme une déchirure, qu’ils exprimaient en souriant ou la larme à l’œil mais qu’aucun ne formulait réellement.

J’ai souhaité, à travers ce film, parler à tous ceux qui ont connu ou connaissent cette douleur de séparation, cette souffrance de devoir faire un choix, tout en sachant qu’aucun ne sera parfaitement le bon.

M.T : Combien de temps avez-vous travaillé sur la réalisation de ce film ?

C.S : Entre la préparation, le tournage et la post production, ce film a demandé 3 mois de travail. Ces différentes phases ont fait intervenir 35 techniciens, plus de 200 acteurs, silhouettes et figurants.

M.T : Comment s’est passée l’écriture du film et la sélection des acteurs ?

C.S : Après une première écriture, Philippe Giangrecco, scénariste, est venu me rejoindre, et nous avons ensemble, fini la construction du scénario. Le casting fut long mais les acteurs du film se sont imposés très rapidement. Il n’était pas tant question de jouer la comédie, mais plutôt d’être soi-même. Ils ont été merveilleux, chacun dans leur rôle.

M.T : Il s’agit de votre premier moyen métrage de cinéma, qui est aussi un projet de grande ampleur : de la production jusqu’au montage en passant par le tournage, avez-vous rencontré beaucoup de difficultés ?

C.S : Comme toujours sur des projets nouveaux et de grande ampleur, les difficultés ont été nombreuses mais notre ténacité à voir aboutir ce film  a eu raison de celles-ci.  Au-delà de la part artistique du film, les objectifs que nous lui avions fixés étaient d’en faire un film « vitrine » pouvant rencontrer un public tant local que national et international, pouvant démontrer la capacité des producteurs polynésiens à développer ce type de projet, en s’appuyant principalement sur des expertises locales tant techniques qu’en termes d’acteurs.

L’objectif final est de développer une filière fiction en Polynésie française, à l’instar de la filière documentaire, encore inexistante il y a une dizaine d’année,  qui aujourd’hui rencontre un vif succès.

Ce film a aussi été l’occasion de faire un point réaliste sur les points forts et les points faibles de cette filière afin d’affiner nos stratégies de développement, tant d’un point de vue d’accompagnement et de formations à mettre en place, que de types de projets à développer, qui puissent être en phase avec  les attentes des diffuseurs, jusqu’à l’identification des différentes sources de financement existantes ou nécessaires.

Les difficultés levées et dont le souvenir a été gommé par le talent des acteurs et l’implication des techniciens, le film Au large d’une vie sort ce mois-ci. Je tiens à remercier nos deux primo diffuseurs locaux que sont Pacific films (en mars 2015 au Hollywood) et TNTV (en septembre 2015) qui tous deux ont souhaité accueillir ce film sur  leurs écrans et l’offrir au public polynésien en avant-première « mondiale J » mais aussi Air Tahiti nui, l’Apac et le Ministère des Outre-mer sans qui ce film n’aurait pas vu le jour.

M.T : Quel est le message au cœur du film ?

C.S : Nous sommes tous au large d’une vie, d’une autre vie, qu’on soit insulaire ou non. Les premiers retours après visionnage du film laissent à penser que ce film peut avoir une large résonnance.

M.T : Quels sont les différents festivals qui accueilleront votre film ?

C.S : Le film Au large d’une vie a été soumis à de nombreux festivals dans le Monde entier, dont le festival Rochefort Pacifique (Mars 2015), le short corner du festival de Cannes (Mai 2015)…

M.T : Actuellement, quels sont vos projets ?

C.S : Je travaille actuellement, avec un atelier créé pour l’occasion, à l’écriture d’une série de fictions autour d’une famille polynésienne : 20 épisodes de 13 minutes qui seront tournés à Tahiti fin 2015 et diffusés tant en Polynésie française qu’en métropole début 2016. Parallèlement, nous sommes en cours de pré production d’une fiction télévisée, long métrage dont le tournage débutera en 2016.

M.T : Avons-nous oublié une question ?

C.S : Non


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