« My Skinny Sister », l’anorexie vue par une jeune réalisatrice

De quelle manière aborder à l’écran un sujet aussi difficile que l’anorexie adolescente sans tomber dans le pathos ou le didactisme ? Pour son premier film, la jeune cinéaste suédoise Sanna Lenken s’inspire tout simplement d’une histoire vraie, la sienne. Et elle parvient à la transcender en une fiction sombre et sous tension, illuminée par le point de vue du (très jeune) personnage féminin, cœur battant, sœur de la jeune fille aux prises avec cette addiction.clairestbearestreviews_filmreview_miff_my-skinny-sister

Stella, 12 ans, potelée et rousse aux yeux et à la peau claires, est encore une petite fille rieuse et rêveuse, fan d’insectes. Elle confie à son journal intime son tendre penchant pour Jacob, l’entraîneur de sa sœur aînée Katja, svelte et brillante patineuse. Nous voyons dans le regard de Stella sur Katja le mélange d’admiration et de jalousie à l’encontre de celle qui attire tous les regards par sa grâce et ses qualités sportives. S’ils sont fiers de leur aînée, les parents (actifs et accaparés par leur travail respectif) ne semblent guère déborder d’affection pour leurs deux filles ni prêter attention à la cadette. Et le mal-être de la ‘petite dernière’ prend brusquement des proportions considérables : à la faveur d’un déjeuner en famille au restaurant, elle découvre le ‘secret’ de sa sœur en la surprenant en train de se faire vomir dans les toilettes. Katja menace alors de révéler le contenu du journal intime si Stella parle à leurs parents. Cette dernière, sous l’emprise de ce chantage, se retrouve ainsi à porter un secret bien lourd pour son âge.

Entre la connaissance solitaire de cette vérité intransmissible et son envie de porter secours à une ainée qu’elle perçoit en grand danger (et que nous percevons à travers son regard attentionnée et inquiet), l’héroïque Stella trace sa route, en dépit de tous les obstacles et du pacte de silence conclu. Les divers stratagèmes utilisés pour alerter la famille sans trahir, la tentative de médiation auprès du ‘coach’ (et le baiser furtif qu’elle lui impose) n’empêchent pas la persistance de son attachement à sa sœur, toujours patineuse en cachette puisque l’entrainement lui est désormais interdit en raison de la faiblesse de son état physique.

A la suite d’un événement spectaculaire survenu à la patinoire, les deux sœurs sont délivrées du secret, la famille et les proches confrontés à la vérité : Katja souffre d’anorexie et il faut l’aider à se soigner. Sans renoncer aux ultimes rebondissements du drame (les vains essais des parents pour régler le problème avec leur enfant, puis l’hospitalisation inévitable, l’issue incertaine), la jeune cinéaste accompagne jusqu’au bout, de la souffrance à la délivrance, des déchirements à la joie, le parcours de ‘la petite ronde’, de sa prise de conscience et de son mûrissement précoce.

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En choisissant le point de vue d’une enfant de 12 ans qui grandit sous nos yeux –et non celui de l’adolescente anorexique-, la mise en scène tord le cou aux clichés, retourne les apparences : l’ainée qui a ‘tout pour elle’ est au plus mal et la moins bien ‘lotie’ tient le coup. Elle met ainsi au jour avec délicatesse les mécanismes à l’œuvre dans cette maladie de l’adolescence. Avec sa gaucherie et ses maladresses, le corps de Stella s’affirme gourmand, jouisseur et amoureux de la vie, celui de Katja, sous l’excellence et la prouesse, se refuse à la féminité et à la sexualité Et la complicité remplie d’éclats de rires rapprochant les deux sœurs dans une chambre d’hôpital figure un renversement de tendance. Les confidences de la cadette sur son attirance (nouvelle) pour les garçons de son âge et l’intérêt amusé de l’aînée laissent présager un désir partagé. L’amour, voie d’émancipation pour l’une, chemin vers la guérison pour l’autre. Un film sensible et drôle, porté par deux jeunes interprètes époustouflantes, Rebecca Josephson et Amy Deasismont.

« My skinny sister », film de Sanna Lenken-A l’affiche.

Ours de cristal et Prix du public, Berlin ; Cannes Junior ; European Film Award.

Source : L’Expresso


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