Les Moken sont un peuple austronésien semi-nomade vivant dans l’archipel des Mergui. Composé d’environ 800 îles dans la mer d’Andaman, cet archipel est revendiqué à la fois par la Birmanie et la Thaïlande.
Les Moken auraient émigré du sud de la Chine vers la Thaïlande, la Birmanie et la Malaisie il y a approximativement 4000 ans. Ils vivent la plupart de l’année sur leurs bateaux en bois appelés kabang, qu’ils construisent eux-mêmes. Ils se déplacent en flotilles d’îles en îles, selon les circonstances et le sens des vents à la recherche de nourriture, pour des raisons de sécurité ou de santé. Ils ont depuis toujours rejeté les possessions matérielles ainsi que la technologie.
Fascinée par les Moken, un peuple hors du commun, Anna Gislen, une scientifique de l’Université de Lund en Suède, a constaté que les enfants Moken possédaient une étonnante capacité: celle d’adapter leur vision sous l’eau. Pour preuve, ces pêcheurs hors pair qui vivent entre la Birmanie et la Thaïlande se déplacent sous l’eau avec une aisance impressionnante et sont capable d’y récupérer n’importe quel objet ou poisson sans aucune difficulté.
« Normalement, quand vous allez sous l’eau, tout est tellement flou, que l’œil n’essaye même pas de s’accommoder, c’est un reflex normal », fait remarquer la chercheuse à la BBC. En effet, l’eau, fait perdre son pouvoir réfractif à la cornée. Cependant, chez les enfants Moken, cette capacité n’est pas altérée.
Une réduction hors norme de la pupille
Intriguée, Anna Gislen a cherché à en savoir plus. Grâce à la comparaison de la vision des Moken à celle des enfants européens, la scientifique a pu constater que, hors de l’eau, tous les enfants montraient les mêmes capacités et possédaient la même structure de l’œil.
Seulement, une fois sous l’eau, les Moken se sont révélés avoir une vision deux fois plus précise que celle des occidentaux. Aussi, les enfants Moken parviennent à réduire la taille de leur pupille et à modifier la forme de leurs cristallins, les deux uniques façons d’augmenter l’acuité visuelle sous l’eau.
« Nos mesures montrent clairement qu’il y a une différence sous l’eau. Au moment de la plongée, les enfants Moken resserrent leurs pupilles, alors que les enfants européens ne le font pas, et la taille de la pupille diffère significativement », explique-t-elle.
Une vision égale à celle des dauphins
Capables de réduire la taille de leurs pupilles jusqu’à la limite maximale pour l’être humain et de changer la forme de leurs cristallins, c’est cette double modification qui permet aux enfants Moken de voir net, même sous l’eau. « Les phoques et les dauphins ont une adaptation similaire », souligne la scientifique.
Cependant, cette capacité n’est pas irréversible. En grandissant, les enfants perdent leur capacité et ne présentent plus aucune facilité à voir sous l’eau. « Quand nous vieillissons, nos lentilles deviennent moins flexibles, donc cela parait logique que les adultes perdent cette capacité de s’accommoder sous l’eau », relève-t-elle.
Le secret : L’entrainement
Désireuse d’approfondir ses recherches, la scientifique a menée une nouvelle étude sur des enfants européens en Thaïlande et en Suède. Cette fois, des volontaires devaient plonger sous l’eau et tenter de distinguer les lignes tracées sur une carte. Au bout d’un mois, les résultats ont montré que les enfants Européens étaient parvenus à développer des capacités similaires à celles des Moken.
Comme l’explique Anna Gislen, « c’était différent pour chaque enfant, mais à un certain point leur vision s’améliorait soudainement ». Elle poursuit, « je leur ai demandé s’ils faisaient quelque chose de différent et ils m’ont répondu « non, je peux juste mieux voir maintenant ». Suite à ses nouvelles recherches, la scientifique a conclu que cette capacité se développait grâce à un entrainement régulier et ne disparaissait pas. Quatre mois plus tard et sans aucune activité marine, les enfants avaient conservés leur faculté. »
Forcé à la sédentarisation après le terrible tsunami de 2004, les Moken auraient tendance à perdre leur capacité. « Les Moken ne passent plus autant de temps dans l’océan », regrette la scientifique.
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