Avec une véritable personnalité de leader, Marguerite LAI dirige la compagnie de danse tahitienne O TAHITI E qu’elle a fondée en 1986. Depuis près de 30 ans, sa troupe reste l’une des plus renommées, multi lauréate aux concours annuels de chants et danses, le « Heiva i Tahiti » et ambassadrice de la culture polynésienne dans différents pays.
Marguerite LAI est ce que l’on appelle une métisse « Polynésienne Chinoise ». Son père, de parents immigrants chinois est né à Tahiti. Sa mère est quant à elle originaire de l’île de Rangiroa, dans l’archipel des Tuamotu.
Après avoir passé ses premières années dans son île natale de Rangiroa, Marguerite rejoint Papeete avec ses parents. Lui est agriculteur, elle est employée dans des petits commerces de la ville de Papeete.
C’est à l’âge de 12 ans que Marguerite commence la danse tahitienne à l’école. Plus tard, elle devient danseuse dans une troupe qui tourne à l’international, ce qui la mènera à traverser les continents, et à fouler les planches mythiques du Carnegie Hall à New York en 1976
En 1986, elle crée sa propre troupe de danse O TAHITI E, constituée alors de 9 danseurs et danseuses et 5 musiciens. Depuis sa création, O TAHITI E est souvent choisie pour se produire dans de différents pays à l’extérieur, pour notamment promouvoir la destination.
À Tahiti, chaque année, le concours de chants et danses du » Heiva i Tahiti » est l’événement culturel le plus important du pays. C’est la manifestation culturelle qui connaît aussi le plus grand rayonnement à l’international.
À chacune de ses participations, la troupe O TAHITI E rassemble au minimum 150 personnes, danseurs, danseuses et musiciens se préparant dur pendant 6 mois avant le grand soir du concours. C’est une énergie considérable qu’il faut déployer, c’est pourquoi la troupe ne participe que tous les 3 ans au Heiva.
Pour l’édition du Heiva i Tahiti 2015, O TAHITI E a participé avec 230 personnes. Le thème du spectacle est tiré d’une légende des temps anciens et raconte la fuite de deux jeunes amoureux, bravant l’interdit qui frappe la très jeune fille d’un roi qu’il a déjà promise. Ces jeunes amants seront victimes du sortilège que le père, fou de colère, leur a lancé.
Matareva nous offre les images de ce magnifique spectacle.
« Plonger dans le ventre de notre terre… »
« Lorsque j’ai commencé à monter sur une scène, j’avais 12 ans, et à l’époque la danse était perçue comme un amusement, chaque événement offrait l’occasion de se divertir, mais en aucun cas la danse n’était considérée comme un métier qui permettait d’en vivre, ni même comme un art. Elle était naturelle, mais ne pouvait être professionnelle.
Quant à la popularité que la danse polynésienne rencontrait à l’extérieur, elle relevait plus du folklore que de l’art du ballet.
Très vite, je me suis rendue compte qu’elle me permettait de voyager, de m’extérioriser, et me sortait peu à peu des carcans laissés en héritage par les missionnaires chrétiens, qui pendant plus d’un siècle interdirent la pratique des danses païennes jugées trop « obscènes »!
Tout au long de mon cheminement, j’ai réalisé que la danse me rattachait à ma terre, à ma culture, je découvrais la force de nos ancêtres.
Je m’apercevais que l’on pouvait exprimer le quotidien, le passé, le présent, le futur, notre environnement matériel et immatériel (les éléments). La gestuelle traditionnelle le permettait.
Plus je me sentais rattachée à ma terre polynésienne, plus je ressentais le besoin de puiser au fond de moi-même ces valeurs qui n’avaient pas été transmises.
Il nous faut plonger dans le ventre de notre terre!
Si je n’avais pas puisé en moi-même, cherché à réciter comme nos ancêtres le faisaient, à connaître la signification de la gestuelle, les instruments, la musique, je ne pourrais pas avoir une vision globale de la chose. C’est un devoir pour moi!
Je crois que je suis devenue chef de groupe parce que cette quête a toujours éclairé ma route. Si je n’avais pas pris mon destin en main quand mes aînés se sont retirés, j’aurais tout simplement arrêté la danse.
La danse reste une part importante de notre culture vivante. Nous avons le devoir de perpétuer cette tradition.
J’exhorte mes danseurs à devenir encore plus acteurs dans leur culture, pour qu’ils ne restent pas de simples exécutants.
Je les pousse à se rechercher, à mieux se connaître et à s’exprimer afin de combler ce manque que nous portons tous en nous.
Aujourd’hui, après des années d’efforts et de travail sur nous pour s’affranchir du « folklore », nous commençons à exister en tant que formation de ballet, avec des expériences fort différentes, mais sans jamais cesser de véhiculer notre culture et nos valeurs.
En conclusion, je crois que nous avons été longtemps enfermés dans un carcan, que les forces de notre héritage ancestral ont combattu malgré nous pour empêcher que celui-ci se referme définitivement sur nous, mais il est temps aujourd’hui que nous nous libérions par nous-mêmes, pour notre propre accomplissement. »
Par Marie Hélène Willierme.
Credit photos : Matareva
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