Pour un film aussi sérieux et émouvant, c’est drôle que le titre de Backstory soit un jeu de mots. L’œuvre, un magnifique tour d’horizon de la vie de son protagoniste, de sa naissance à sa mort, son » histoire » met en lumière les moments marquants de la vie qui l’ont façonné. Mais le titre fait double emploi, car il explique aussi (littéralement) le concept visuel : notre protagoniste, joué par 8 acteurs d’âges différents, n’est filmé que de dos.
Bien que Backstory soit ponctué d’émerveillements occasionnels et rehaussé par le romantisme, dans l’ensemble, c’est un film très sombre, car le personnage vit des tragédies qu’il est incapable d’éviter et qui ne lui laissent ni le temps ni les moyens d’agir. Nous suivons chaque étape, et c’est incroyable l’empathie que la réalisatrice Joschka Laukeninks est capable de faire naître chez les spectateurs même si elle nous cache le plus efficace des moyens pour révéler l’émotion : le visage.
Laissant de côté un tournage au sens classique du terme, l’équipe a tourné pendant 17 jours sur 1,5 an pour capturer une myriade d’instants assemblés en un montage homogène, créant un rythme entraînant qui se prolonge dans le temps. Le narrateur nous guide à travers les expériences et accompagne chaque scène – le temps ne cesse de filer, comme le tic-tac de l’horloge ou les grains sables d’un sablier. Cela dit, il est intelligemment construit. Alors que le film ne comporte aucun « chapitre », les pauses de la narration viennent ponctuer des moments particuliers, permettant de savourer les images et de s’imprégner de l’émotion avant de s’envoler à nouveau.
Et bon sang, ce sont des images exceptionnelles. Laukeninks a attiré notre attention pour la première fois en 2011 avec son court métrage romantique Back to Solitude, dont le succès a lancé une brillante carrière de réalisateur publicitaire. Il a apporté toute cette expérience à Backstory, car ce court métrage est très coloré, avec une palette diversifiée, et juste la bonne quantité de grain, vous le regarderez une deuxième ou une troisième fois pour être sur de n’avoir rien laisser échapper. C’est aussi une entreprise incroyable, car des scènes extrêmement compliquées comme l’incendie d’une maison apparaissent à l’écran pendant quelques secondes seulement. Laukeninks condense en 6 minutes tous les réglages et décors et ça fonctionne.
Néanmoins, le succès du film dépendra de votre capacité à vous connecter émotionnellement avec les thèmes du film que Laukeninks. Il ne souhaite rien de moins que de distiller la sublimité de la vie, l’horreur du temps qui file, et la beauté que nous y trouvons. En effet, les deux sont inexorablement liés pour le réalisateur, car seuls les instants vides ou difficiles de la vie nous permettent de vraiment apprécier les moments et les relations que l’on établit. Mais tenir bon, c’est ne pas lâcher prise, et le résultat est émouvant et bouleversant.
Après sa participation à plusieurs festivals , Backstory a fait son entrée sur Internet. Avec sa maîtrise technique aiguisée par son travail de professionnel et son talent de narrateur passionné, il est peu probable que Laukeninks revienne avec un autre court métrage. En effet, le réalisateur berlinois travaille actuellement sur deux scénarios de longs métrages, et lorsqu’il fera ses débuts, le monde entier entendra parler de lui.
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