Clovis Cornillac intervient à la réalisation dans un genre où on ne l’attendait pas et qui ne lui va pas si mal.
L’argument :
Lui est inventeur de casse-têtes. Investi corps et âme dans son travail, il ne peut se concentrer que dans le silence.
Elle est une pianiste accomplie et ne peut vivre sans musique.
Elle doit préparer un concours qui pourrait changer sa vie.
Ils vont devoir cohabiter sans se voir…
Et donc le jeune Clovis, de Hors la loi (1986) de Robin Davis, devint réalisateur. Issu d’une nouvelle génération d’acteurs dans les années 80, affichant un prénom avant d’assumer également un nom de famille à part entière, Clovis a attendu longtemps avant de se faire connaître du grand public, dans les années 2000 où il a multiplié les grosses machines sur son nom, sans avoir totalement pu convaincre de son pouvoir d’attraction. Avec une gueule du cinéma de papa, forte, généreuse et imposante, il a toujours été à cheval entre le cinéma d’antan et d’aujourd’hui. Faubourg 36 est peut-être le film qui synthétise le plus ce positionnement à part dans le paysage français. L’omniprésent Cornillac qui s’est fait rare ces dernières années, se lance donc aujourd’hui dans la réalisation, sans délaisser pour autant l’interprétation, puisqu’il se met en scène, ainsi que son épouse Lilou Fogli (en second rôle pour celle-ci), dans une comédie romantique.
On peut être déconcerté par ce choix. Trente ans de carrière et âgé de près de 45 ans lorsque le projet est lancé, voilà l’acteur, aussi physique que cérébral et tempétueux, dans le genre le plus fade du cinéma français quand il pourrait sonder ses zones d’ombre, des sujets personnels, dramatiques, ce que font beaucoup d’artistes qui passent derrière la caméra. Non, sur une idée développée par son épouse, l’acteur prend nos attentes à rebrousse-poil et choisit la romcom dans tout ce qu’elle a de plus légère (le sujet), d’artificiel (le cadre, les décors) et de convenu (les formules, avec les bons copains, ou ici la sœur excentrique, le moment de crise et la réunion finale). Point de noirceur, le personnage renfrogné de Clovis est au cœur d’une intrigue lumineuse, dans un Paris de conte lové où les amoureux se rencontrent d’une façon improbable, pour s’aimer au son de leurs voix, sans se voir pendant tout le métrage. C’est le pitch.
Ainsi le personnage de Mélanie Bernier, actrice principale qui évoque sans cesse Cécile de France, classique, coincé et dominé par des figures masculines destructrices, cherche à s’émanciper en aménageant dans un appartement qui a une particularité. Celui d’être hanté ? On y pense lors d’une séquence d’ouverture assez cocasse. Mais non, la jeune femme doit composer au quotidien avec son voisin, dont elle entend faits et gestes en raison d’une cloison perméable qui invite l’autre à pourrir son quotidien (là encore suite de scènes fun où chacun des deux partis s’essaie avec ingéniosité à faire de la vie de l’autre un enfer sensoriel).
Evidemment, ces deux fêlés de la vie, parias dans une capitale de rêve où ils ont tout pour s’épanouir, mais tendent à se replier sur eux-mêmes, ont tout pour s’entendre et devenir des partenaires inséparables. Et ils vont tenter l’amour sans connaître le nom de l’autre (ils se surnomment Machin, Machine), et vivre une romance platonique où l’imagination (ils ne savent pas à quoi l’autre ressemble) permet quelques moments de comédie assez délectables.
Avec toute la légèreté du genre qui a de gros inconvénients (l’évanescence, ces films s’oublient aussi vite que leurs titres farfelus), la première réalisation de Cornillac est agréable, pertinente dans ses choix de mise en scène (toujours pop et enlevée), mais demeure toujours en-deçà de nos attentes par rapport à ce que cet étonnant acteur est capable de livrer dans des registres plus tourmentés.
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