Longtemps réservées aux soins de thalasso en beauté et bien-être, ou aux placards d’amis un brin hippie en termes de nutrition, les algues se sont désormais fortement démocratisées. Il en est une qui revient sérieusement au goût du jour, utilisée en thalasso, en cosmétique et même par les grands chefs cuisiniers : la spiruline.
L’algue des Aztèques
Celle que l’on trouve sous forme de spaghettis vertes ou de poudre, est une bactérie photosynthétique d’eau douce, de la famille des cyanobactéries. Si l’algue occupe les pages des magazines depuis bientôt dix ans, elle est pourtant vieille de plus de 3 milliards d’années. Elle pousse naturellement dans des lacs proches de l’équateur, en Inde, au Tchad et au Mexique. Historiquement, on retrouve deux traces de récolte de spiruline : une première dans les mémoires du conquistador Cortès, dans lesquelles il décrit comment les Aztèques en Amérique centrale l’utilisaient au quotidien, puis une seconde en Afrique. C’est en 1960 sur ce continent que les Européens repèrent pour la première fois son intérêt pour l’homme. « Ce sont des chercheurs belges, dont le botaniste Jean Léonard, qui, lors d’une mission autour du lac Tchad (Afrique centrale), ont observé que les femmes de la tribu des Kanembou, glanaient la spiruline à même le lac. Elles mettaient la masse verte à sécher sur le sable et la vendaient sur les marchés », raconte Nathalie de Poix, présidente de la Fédération des spiruliniers de France. Intrigués par cette boue verdâtre, les chercheurs l’examinent, s’aperçoivent de sa richesse nutritionnelle et la rapportent en Belgique.
Elle évacue les polluants présents dans l’alimentation
Informé qu’une équipe a mis la main sur une micro-algue miraculeuse, Jean Dupire, médecin nutritionniste français, s’y intéresse dès 1990. À l’époque à la tête du Foyer de Charité à Bangui (Centrafrique), il effectue des recherches sur la possibilité de soigner les enfants malnutris à l’aide de traitements homéopathiques. Il met alors au point une méthode de récupération nutritionnelle associant spiruline et poisson : « C’était un facteur innovant, au lieu d’utiliser du Plumpy’Nut (un aliment à base d’arachide utilisé en cas de famine), nous donnions de la spiruline et du poisson aux enfants atteints de kwashiorkor, une malnutrition protéino-énergétique. Nous avons observé une nette amélioration », relate le Dr Dupire. Grâce notamment à sa teneur en protéines, fer et acides gras essentiels, la spiruline est une arme contre la malnutrition.
Atout santé par excellence
Depuis, sa culture est préconisée par l’Organisation mondiale de la santé et la Food and Agriculture Organization (FAO), pour ses propriétés nutritionnelles exceptionnelles. Et pour cause : la micro-algue regorge de vertus qu’elle doit en partie à ses minéraux. Le cuivre qui renforce le système immunitaire, le chrome qui aide à réguler le taux de sucre, le phosphore pour le cerveau, mais aussi le sodium, le zinc, le sélénium, le manganèse et le fer, particulièrement intéressant pour les femmes. Riche en acide gras insaturés, essentiels à l’organisme mais que le corps ne produit pas, en vitamines B et E et en bêta-carotène, elle permet le bon fonctionnement des neurones et renforce le système immunitaire. La micro-algue est aussi extrêmement riche en protéines, ce qui en fait l’aliment de prédilection des sportifs et des végétariens.
Dans un monde et une alimentation pollués, la spiruline s’avère également être un excellent détoxifiant. « Les résidus de pesticides et métaux lourds présents dans l’alimentation moderne sont récupérés par la spiruline et évacués dans les selles et les urines », explique le Dr Dupire. Un pouvoir couplé à ses vertus antioxydantes (grâce au pigment phycocyanine) qui empêchent le corps de « rouiller ». Riche en chlorophylle, qui assainit et vitalise l’organisme grâce à ses minéraux, la spiruline stimule l’énergie : « ce pigment a une structure proche de celle de l’hémoglobine et facilite la capacité du sang à transporter l’oxygène », indique le naturopathe Stéphane Tétart, spécialiste de la performance personnelle et de la fatigue chronique.
Des bienfaits beauté
Depuis quelques années, la cosmétique s’est emparée de la cyanobactérie pour offrir un panel de soins pour la peau. Rien d’étonnant pour la dermatologue Nina Roos, qui lui reconnaît « des bienfaits issus de son pouvoir antioxydant ». Ses bénéfices sont aussi largement mis à profit dans le secteur de la thalasso : « Grâce à ses vitamines, ses minéraux et ses protéines, la spiruline redonne la qualité première de la peau, la rend plus ferme. On l’utilise beaucoup dans les soins post-accouchement par exemple », informe Marie-Paule Le Déoré, responsable des soins à la Thalasso de Carnac.
Un geste écolo
En consommer, c’est aussi faire du bien à sa planète. Cultivée dans des bassins d’eau douce, à la lumière naturelle et séchée au soleil, la spiruline est très peu coûteuse en énergie. L’algue nécessite également 30 fois moins de surface de culture que le soja, 40 fois moins que le maïs et 300 fois moins que la viande de bœuf.
À consommer sans modération
Si certains se tournent vers la micro-algue ponctuellement, lors de l’approche de l’hiver pour renforcer le système immunitaire ou remédier à une grosse fatigue, Stéphane Tétart et Jean Dupire s’accordent à dire qu’il est encore plus intéressant de la glisser dans son alimentation au quotidien et ce… pour toujours. « Les bonnes choses fonctionnent quand elles sont suivies régulièrement », ajoute le naturopathe.
Libre à chacun ensuite de choisir son mode de consommation. La spiruline se trouve sous trois formes : en poudre, en paillettes ou en gélules et comprimés. Pour bénéficier des bienfaits, les professionnels déconseillent toutefois les gélules ou comprimés, l’algue risque d’y être transformée et mélangée à d’autres substances. Selon le naturopathe Stéphane Tétart et le médecin Jean Dupire, il n’existe à ce jour aucune contre-indication. Femmes enceintes, allaitantes ou enfants peuvent en consommer. Selon la présidente de la Fédération des spiruliniers de France, Nathalie de Poix, seuls les personnes atteintes d’hémocromatose (ayant des difficultés à assimiler le fer) doivent en limiter la consommation. Le conseil reste néanmoins discuté dans l’univers médical : « La spiruline a beau contenir du fer, dans tous les cas l’intestin n’en n’absorbe que 6 % », précise le Dr Dupire.
À l’achat, on compte en moyenne entre 60 et 120 € le kilo, pour une spiruline de qualité. Inutile de la prendre « bio », la micro-algue n’a toujours pas le label AB. Pour la cultiver, les producteurs utilisent un complexe minéral correspondant à ses besoins, mais aussi sans résidu organique pouvant déséquilibrer le milieu de vie. Certains des fertilisants minéraux ne sont pas autorisés en agriculture biologique. Pour s’assurer une spiruline saine, le plus important reste la façon dont elle est cultivée : dans des bassins à ciel ouvert et non sous serre, et séchées naturellement. On privilégie l’origine France ou les terres sur lesquelles l’algue pousse depuis toujours (lacs proches de l’équateur, Afrique, Mexique ou Inde). On bannit les mélanges et les spirulines de Chine : « Si le pays en produit certaines de qualité, la pollution contamine bon nombre de bassins », informe le Dr Jean Dupire. L’idéal reste de s’en procurer auprès de producteurs français répertoriés sur le site de la Fédération des spiruliniers de France. On peut aussi en trouver en magasin bio, auprès de marques françaises.
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