Elle raconte son histoire : « J’ai retrouvé mon premier amour le soir de Noël »

J’ai retrouvé mon premier amour le soir de Noël

Trop sages, Stéphanie et Pierre se sont quittés il y a des années et ont fait leur vie chacun de leur côté. Un soir de Noël, il se « rencontrent » sur Facebook. Et là…

Et si je changeais son lit de place ? Mauvaise idée. Je sais que Lucie a les idées très arrêtées sur la décoration de sa chambre alors mieux vaut attendre son retour pour lui demander son avis. Elle et son frère  Elliot reviennent à la maison le 26. Cette année, c’est mon ex-mari qui prend les enfants à Noël. Une fois chez lui, une fois chez moi, c’est la règle depuis quatre ans. Les années sans enfants, je passe généralement le réveillon de Noël chez mes parents, mais cette fois, je leur ai menti. La fête forcée en compagnie d’une famille attristée par ma solitude m’épuise. J’ai inventé une invitation chez des amis et mes parents sont ravis pour moi ! Je me coucherai sous peu, avec un bon film. D’ici là, je vais quand même chercher sur Internet des petits cadeaux supplémentaires pour les souliers de mes enfants. Nous fêterons notre Noël à leur retour. Une lampe pour la chambre de Lucie ? Un nouveau gant de base-ball pour Elliot ? La Toile s’ouvre à moi et c’est toujours la même chose, je m’égare. Je surfe des pages actu aux pages shopping, je m’arrête sur les forums, je m’amuse des conversations des gens, ou de leurs querelles sur des sujets aussi idiots que la marque de leur téléphone portable. Je me dis que je perds mon temps, et tant mieux, ça fait du bien quelquefois. Un tour sur Facebook ? J’adore y retrouver des connaissances d’enfance. Je ne leur écris jamais, je n’ai pas spécialement envie de les revoir, mais j’aime regarder où ils en sont. Je me balade dans ce qu’ils veulent bien montrer de leur vie, souvent leurs enfants, parfois leur conjoint. Et Pierre ? Pourquoi Pierre n’est-il pas sur Facebook ? J’aimerais quand même bien voir la tête de sa femme.

SÉPARATION DE RAISON

Nous avions 24 ans quand nous nous sommes quittés. C’était hier, il y a seize ans. Sérieux comme des papes, nous avons un jour décrété que nos sept années passées ensemble avaient été merveilleuses mais qu’il nous fallait découvrir autre chose. Pierre partait en poste à l’étranger et nous avons « profité » de son départ pour nous séparer. L’idée nous a d’abord effleurés que je parte avec lui, mais convaincus que nous allions droit dans le mur si nous ne connaissions pas autre chose avant de rester définitivement ensemble, nous nous sommes quittés. Nous nous étions rencontrés beaucoup trop tôt. Franchement, nous étions heureux. Mais nous reprochions déjà à l’avenir de risquer de nous séparer ! Je me souviens lui avoir dit de me tromper autant qu’il pouvait pendant une année ou deux, puis de revenir amoureux de moi et de m’épouser. À son départ, j’ai vécu ma vie. Les premiers mois de séparation ont été douloureux, jusqu’à ce qu’on arrête de s’écrire et que je fasse la connaissance de Thomas, le père de mes enfants. Je ne sais pas où est passé Pierre aujourd’hui. Je tape son nom. Toujours rien sur Facebook, mais quelques nouvelles pages le concernant. Toujours la même photo, plutôt ancienne, où il se ressemble. Et soudain… une nouvelle page à son nom, sur un réseau professionnel. Si je m’inscris à mon tour, il me semble que j’aurai accès à ses coordonnées. Je remplis donc les grilles de questions. Une fois inscrite, comme par magie, le mail de Pierre me saute à la figure. Waouh ! Son mail. J’écris ou je n’écris pas ? Maintenant ou demain ? Est-ce que j’ai vraiment envie de me présenter en pauvre fille seule chez elle un 24 décembre ? Absolument ! Je me fiche totalement de ce que Pierre pourrait penser, j’ai juste envie de prendre de ses nouvelles.

« ET SI J’ÉTAIS DÉÇUE ? ET SI PIERRE ÉTAIT DEVENU UN VIEUX CON ? LA QUESTION SE POSE. »

RETROUVAILLES SANS FAILLE

« Pierre ? » écris-je en guise de mail, après avoir longuement réfléchi à la façon de tourner mes phrases. « Fanny ? », me répond-il dix minutes plus tard, alors que je viens de sortir du frigo l’affreuse bûche individuelle à la crème au beurre que j’ai achetée, consciente que j’aurai peut-être, à un moment de cette soirée de fête, besoin d’un peu de soutien. « Fanny », personne ne m’a appelée ainsi depuis seize ans. Pour mon mari, j’étais Stéphanie. Pour mes amies aussi, ou Stef à la limite. Je réponds, laconique : « Oui. » Et j’ajoute : « Joyeux Noël ! » Sa réplique ne se fait pas attendre : « Joyeux Noël à toi aussi, Fanny. » On est bien mignons. Et bien avancés. J’hésite à lui écrire une tartine, soirée seule, divorce, deux enfants, un job vraiment chouette et des amis partout. Mais j’attends. J’ai raison car un autre mail arrive. « Je sais que tu attends », sont ses premiers mots. Puis Pierre déroule sa vie. Il est rentré en France après avoir divorcé de sa femme américaine. C’est compliqué pour leurs enfants qui voyagent beaucoup, du coup, mais ils sont grands. 14 et 15 ans. Les miens ont 10 et 13. À l’instant où il mentionne son divorce, je sens que notre histoire repart. Je ne peux pas le dire autrement. C’est écrit sous mes yeux, dans le compte rendu de nos deux ratages symétriques. Nos échecs s’associent et la flamme perdue se ravive. À l’instant où je lui réponds, Pierre me demande s’il peut m’appeler. Et nous voilà, seize ans plus tard, au téléphone. Il y a eu des années, des enfants, des amants, et nous ne nous sommes jamais quittés. Pas un jour sans pensée pour lui, et lui me dit qu’il m’a suivie, de loin, comme moi, sur Internet, nourrissant sa curiosité de presque rien. Il vit en France, et moi aussi. « Tu es seule ce soir ? » me demande-t-il. « Je vis à deux cents bornes de chez toi, j’arrive. » Il ne veut pas savoir si je veux de lui. C’est une évidence. Je vis une folle aventure. Je me précipite sous la douche, je me prépare comme au premier jour. Après tout, c’est un premier jour, la renaissance d’un grand amour. Et si j’étais déçue ? Et si Pierre était devenu un vieux con ? La question se pose. Bonne nouvelle déjà, il n’a rien perdu de sa fougue. Deux cents kilomètres à parcourir un soir de Noël ne lui demandent pas tellement de réflexion. Je sais que je peux compter sur lui et qu’il ne me fera pas faux bond.

MIRACLE DE NOËL

On sonne à la porte. J’ouvre. Pierre est là, son visage porte à peine la marque des seize années écoulées, je me jette dans ses bras. Nous nous étreignons très fort, très longtemps. Il jette un œil circulaire dans la pièce, et m’entraîne sur le canapé. Pour des retrouvailles, on ne peut pas mieux s’y prendre. La nuit de Noël brille dans le coeur des enfants, mais là, ce sont nos yeux qui contiennent toute la beauté du monde. Soulagés, recollés, nos corps jubilent de refaire connaissance. Il n’y a pas de question, pas d’hésitation. « C’est toi qui viens ou c’est moi ? » me demande-t-il au petit matin. « Mais c’est trop tôt, on ne peut pas revivre ensemble comme ça ! » dis-je, en pensant le contraire. « Tu es devenue vieille ?, plaisante- t-il, tu veux encore combien d’années de réflexion ? » On décide que c’est lui qui va venir, puisque mes enfants vont à l’école ici. Est-ce qu’ils l’accepteront ? Je les ai éduqués en ce sens. Ce ne sont pas eux qui légifèrent. D’ailleurs, ils s’entendent bien avec la nouvelle femme de leur père. Avons nous perdu du temps ? Sûrement pas, puisque nous avons eu nos enfants. Nous aurions pu en avoir ensemble, mais nous ne regrettons pas de nous être quittés. La vie rassemble ceux qui s’aiment. On a beau couvrir d’un voile noir les souvenirs un peu trop lourds, s’ils sont chatoyants, ils réapparaissent, plus vivants que jamais. Cette fois, ça marchera. On s’est quittés par raison, on se retrouve par évidence. On le sait.


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